XXe siècle...
Jean Migot et la Bichon...
Merci à Simone Stirchler-Migot de nous faire parvenir du passé un témoignage si émouvant et bouleversant sur l'histoire du village de Charmes-la-Côte au XXe siècle. Il est question d'un poème écrit par son père, Jean Migot, maire de mars 1959 à mars 1965, un héritage inestimable à pérenniser !
Si vous venez à Charmes-la-Côte dans le Toulois, vous verrez à côté de l'église la mairie école surmontée d'un petit clocheton sous lequel se trouve une petite cloche... Elle m'est apparue en rêve et m'a raconté son histoire...
La Bichon
Je suis née à Nancy
Du temps de Jules Ferry
L'école obligatoire
Me rendit vite notoire
J'appelais les enfants à l'école du matin
Pour qu'ils deviennent plus tard de loyaux citoyens
Du haut de mon perchoir
J'entendais et je pouvais tout voir
Depuis au « Montignon »
Jusqu'au bout de la « Queue de Mont »
Du fin fond des « Troussoirs »
Au lieu dit « Les Terres Noires »
De la colline de Sion
À la côte de Mousson
Je voyais le laboureur traçant droit le sillon
Qui préparait ainsi de si belles moissons
Le bruit des sécateurs emplissait mes oreilles
Ce qui présageait de belles grappes vermeilles
J'admirais ces cuvelles toutes remplies de grappes d'or
Suivies des vendangeurs que le vin rendait fort
J'entendais des lavoirs
Monter le bruit des battoirs
Les langues allaient bon train
C'est que tout allait bien
Ainsi s'écoulait une vie douce et paisible
Dans ce village tranquille où tout était possible
Au cours de ma longue vie j'ai vu beaucoup de bonheur
Mais hélas aussi beaucoup de malheur
Lorsque à mes côtés le gros bourdon tintait
Je pleurais silencieuse le défunt qui partait
Et puis pourquoi faut-il que sur la terre
Refleurisse toujours le spectre de la guerre
Devant moi s'étendait la bataille
Et les hommes tombèrent comme des fétus de paille
Oh combien de ces jeunes hommes que j'avais tant connus
Partis sur les frontières ne sont jamais revenus
Puis aux jours de tristesse
Succéda l'allégresse
Mais d'une paix si précaire on sentait la faiblesse
La vie du village reprenait pourtant
Mais rien n'était comme avant
La vigne si longtemps bien soignée se mourait
Trop de vide dans le village les bons bras manquaient
Dans mon grenier où je fus reléguée
La vie ne me parvenait plus que trop étouffée
Puis une fois encore la guerre était là tapant à la frontière
Prise de peur à mon tour je me couvris de poussière
Car devenir prise de guerre par ces bandits de Teutons
Ne me disait rien qui vaille pour devenir un canon
La guerre terminée je repris de l'espoir
Espérant bien qu'un jour on viendrait me revoir
Enfin j'entendis monter dans les escaliers
De bons bras bien solides me sortirent du grenier
Ils furent si heureux de m'entendre chanter
Qu'ils décidèrent tous trois de vouloir m'astiquer
Et avec mes bras tout neufs, pomponnée, bichonnée
Je repris ma place et me mis à chanter dans de belles envolées
Du haut de ce village si joliment perché
Regardant ces champs si longtemps délaissés
Pensant au passé j'aimerais revoir enfin
Renaître toutes ces belles vignes d'antan, productrices de bon vin.
Jean Migot.
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